Hip-hop : des Français à la conquête du monde

Sammy, Punisher, Demon et leur troupe, champions d’Europe de danse hip-hop, vont défier les Etats-Unis aux championnats du monde d’Orlando (Floride) en mars 2007.

Les B-boys d’Alliance sont les nouveaux champions d’Europe de hip-hop. Et puisque le chorégraphe José Montalvo avait fait danser Rameau l’an passé au Théâtre de Chaillot, façon street dance, cette troupe n’aurait-elle pas envie de présenter une chorégraphie avec Motorhead, célèbre groupe de heavy metal ? «Pourquoi pas ?» rit Sammy, le manager d’Alliance, groupe créé en 2004 qui compte au moins deux fondus de rock dur : Pierre, alias «Punisher», et Damien, alias «Demon», deux frères qui, lors des entraînements, dansent accompagnés par une bande-son de musique hurlante. En règle générale, les danseurs de hip-hop se dandinent au son de funk plus ou moins samplés et de raps en tous genres. Nos deux B-boys d’Annecy, eux, ont franchi le pas lors des récents championnats de France. Pour leur solo, ils ont concouru au son de Trivium, du heavy metal aux cheveux longs. Pour autant, cette addition de hip-hop et de metal n’entame en rien la street credibility de son auteur : Punisher est recordman du monde de 99 (prononcer ninety nine), qui consiste à tourner en équilibre sur une seule main le plus longtemps possible. Depuis vingt ans, la breakdance est la forme la plus connue du mouvement hip-hop. Elle a renforcé sa crédibilité, notamment vis-à-vis de la danse contemporaine. Aussi n’est-il plus rare de mixer les deux genres dans des représentations sur les grandes scènes françaises. Pour les compagnies de danse moderne qui «recyclent» un art de la rue, mais aussi pour les adeptes du hip-hop qui s’inspirent et utilisent un art considéré comme plus noble par les élites culturelles. Les unes et les autres s’influencent pour le plus grand bénéfice de la création. La Compagnie Käfig en est un exemple. Issue de la région lyonnaise, elle revendique ce mélange sur son site internet : «C’est dans la fusion des genres que la compagnie a trouvé sa dimension artistique, alliant humour et gravité, favorisant ses créations à partir du langage hip-hop, mais aussi par un esprit d’ouverture aux autres langages chorégraphiques et artistiques.» C’est une évolution notable. Le hip-hop, originaire des ghettos américains, a essaimé dans tous les milieux et dans toutes les régions du monde, avec les autres arts qui lui sont liés, le graffiti et le rap. Et si les Etats-Unis demeurent leaders, les danseurs français, coréens, estoniens ou encore allemands remportent désormais de nombreux trophées. En France, la majorité des adeptes ne vit pas encore de son art. Les membres d’Alliance se partagent entre l’usine, le bureau et les cours de danse. Néanmoins, chaque rencontre est récompensée d’une prime pour les vainqueurs. Dénuées de sponsors, les troupes réinvestissent leur argent afin de parcourir la France, voire la planète, pour des défis toujours plus grands. Alliance, sélectionné pour les championnats du monde, espère ainsi remporter les 20 000 dollars offerts au gagnant. Chaque membre d’Alliance, 22 ans de moyenne d’âge, a déjà une longue carrière dans le milieu. Le regroupement de ces talents divers venus d’Annecy, de Grenoble ou de Bonneville a eu un effet de synergie. «C’était le but : être au top au niveau français et international.» Ils se sont connus sur scène, où on se lance des défis. «On s’affrontait les uns aux autres dans des battles (en jargon, il s’agit d’un défi, ndlr)». Ce sont de vrais combats de gladiateurs, la violence en moins (le danseur de hip-hop, qui n’est qu’amour, se veut pacifique). A un contre un et jusqu’à huit contre huit, les jeunes adultes en transe se déhanchent selon leur spécialité. Dans le groupe, Virakonne est l’expert en footwork, une discipline qui consiste à nouer et dénouer ses jambes. Ou encore Damien, le spécialiste du powermove, les mouvements de base de la breakdance qui reprennent des figures de gymnastique comme les Thomas (ciseaux). La presse spécialisée affirme qu’il aurait atteint la perfection dans ce domaine. Houssine, un des fondateurs du groupe, dont la souplesse est devenue légendaire. Il existe aussi des généralistes, comme Amaury qui sait tout faire, du powermove jusqu’au footwork. Ou Ridouane, le roi de l’improvisation, qui constitue l’un des aspects les plus valorisés par les jurés en concours : «Dans l’improvisation, on travaille les chorégraphies, surtout lors des rencontres internationales. Parce que dans les battles, la troupe doit montrer qu’elle forme un groupe, qu’il existe une solidarité entre les membres, qu’ils forment une vraie équipe et non pas une addition d’individualités. En impro, d’ailleurs, les figures individuelles sont moins importantes aux yeux des juges.» En mars 2007, le groupe français champion d’Europe représentera le continent lors des championnats du monde qui se dérouleront à Orlando, aux Etats-Unis. Avis aux amateurs… et aux sponsors.